Dans « Conversations ordinaires » Winnicott écrit :
« Je voudrais incidemment faire une remarque. Il nous est relativement facile de découvrir notre destructivité lorsqu’elle est liée à la colère due à une frustration ou à la haine pour une chose que nous désapprouvons, ou lorsqu’elle constitue une réaction à la peur. Par contre, nous avons du mal à assumer toute responsabilité de la destructivité qui s’attache par nature à notre relation avec un objet ressenti par nous comme bon- donc objet d’amour.
C’est ici que le mot «intégration» intervient, car si l’on peut concevoir une personne parfaitement intégrée, cela veut dire que cette personne doit pouvoir entièrement assumer la responsabilité de tous les sentiments et de toutes les pensées qui sont propres à l’individu. A l’inverse, il a défaut d’intégration lorsque la personne a besoin de trouver au dehors d’elle les choses qu’elle désapprouve-le prix à payer étant qu’elle perd la destructivité qui, en réalité, est en elle. »
Ma clinique est celle d’adultes. Je préciserai que la formation de la psychanalyste que je suis devenue, s’ancre dans les questions soulevées par la clinique de la psychose.
C’est dire, les « défauts d’intégration », qui, dans la clinique se présente souvent par ce que nous nommons quand nous ne trouvons pas les mots pour la penser « c’est la question du corps, des sensations du corps », quand nous découvrons que nous ne pouvons penser en termes de « refoulement ».
Soutenir ces transferts, n’est pas sans bouleverser une certaine conception du transfert avec laquelle, implicitement ou explicitement, nous travaillons. Il n’en reste pas moins que demeure et, est mise au travail, la découverte freudienne, celle de l’inconscient.
Ce matin, je vais vous proposer, de réfléchir sur cette question « destructivité » et « intégration»
1-Dans un premier temps : deux formes de ces « singuliers transferts » c’est ainsi que Winnicott qualifie le transfert dans lequel il s’est engagé auprès du jeune homme de « fragment d’une analyse ». ce sera donc, tout d’abord
- Le début de cure de Marie Cécile ou quand l’amour primaire oral et dévorant envahit la scène, puis
- Irruption de la violence de l’amour agressif primaire, destructeur, dans une cure qui a déjà a permis l’élaboration de la possibilité de «jouer» , crée le champ de sa créativité mais soudain quand l’amour est partagé, quand il se lie à la sexualité génitale, au désir, la destructivité menace la créativité. Dans le transfert, nous découvrons la « nécessité » de penser l’ancrage de la pulsion.
2- le deuxième temps : comment cela conduit à une conception du transfert qui elle-même amène mettre au travail la conception métapsychologique auquel le Psychanalyste se réfère.
3- le troisième temps : Transfert et métapsychologie chez Winnicott
La conclusion, sera une ouverture à penser dans l’hypothèse de Winnicott, dans sa conception de l’appareil psychique , ouverture à penser le lien agressivité et motricité.
PREMIER TEMPS : DEUX FORMES DE « SINGULIERS TRANSFERTS »
- Tout d’abord : le transfert comme « offre de transfert » selon le mot d’Heitor O’Dweyer de Macedo
Comme je le disais ma clinique est celle d’adulte. Ce sont les questions soulevées par cette clinique qui m’ont conduite à la relecture de Winnicott.
L’analyste en formation que j’étais n’avait pas l’expérience, dans la durée, de ces «singuliers » transferts » . A cette époque, Je savais les recevoir ces transferts à l’hôpital, la clinique de la psychose nous y forme. Mais là, dans la solitude de la fonction d’analyste, pour soutenir l’espace de ce transfert singulier, les outils de pensée m’ont manqué. Ou, il serait plus juste de dire, la question soulevée par la clinique se révélait à mettre au travail plus encore, au travail psychique en tant que psychanalyste.
J’ai travaillé. Ce fut le temps fort de ma rencontre avec la conception de l’appareil psychique de Winnicott. A ce propos, je ferai une petite parenthèse :
Cette expérience a confirmé une intuition que ma pratique et en institution et en cabinet avait éveillée :
Soutenir le transfert dans le cadre hospitalier, pour l’analysant comme pour l’analyste, cela mobilise engagement et qualité de présence fort différents. Je ferme la parenthèse.
Marie Cécile, je ai nommé ainsi cette femme qui m’a tant appris.
Je dois dire que très longtemps, je n’ai pu me représenter, comme je le fais à présent, ce qui s’est passé en ce tout début de cure.
Marie Cécile arriva tout d’abord à mon bureau au CMP. Elle était en analyse chez une de mes collègues en ville. Son analyste, me dit-elle, lui avait donné mon nom au CMP. Marie Cécile était au chômage et ne pouvait plus payer. Avant que je la reçoive son analyste m’avait téléphoné, elle m’avait parlé de chômage, son analysante ne pouvait plus payer. Elle me l’adressait au CMP.
Lors de la la première rencontre, je me trouvais face à une belle élégante femme. Elle dégageait quelque chose d’étrange, pas tout à fait là.
Elle semblait plus préoccupée de trouver du travail, que d’une cure. Elle semblait sans émotions, ni pensées, ni sensations, par rapport au changement d’analyste. Elle avait de la colère, par rapport à sa situation professionnelle. « Il fallait qu’elle trouve du travail». Or, un travail se présentait. Il l’éloignait de Saint Malo. Elle voulait accepter, faire l’essai. Elle me demanda donc, si elle pouvait reprendre contact avec moi plus tard, ce que j’avais accepté.
Ce qu’elle fit quelques mois (6) plus tard.
La situation était bien différente : son fils venait de mourir dans des conditions dramatiques.
Elle téléphone pour avoir un rendez- vous au CMP.
Je la reçois. Je suis stupéfaite de me trouver face à une femme qui me semble coupée de toute émotion.
Je mesure le clivage et la détresse de cette femme. J’apprendrai au cours de ces premiers entretiens que depuis l’âge de 20 ans (elle a alors 45 ans, environ) elle est allée à la recherche d’un thérapeute.
Au cours de ces entretiens, je réalise que son nom, le nom qu’elle m’a donné est le même que celui inscrit sur la porte du bureau en face du mien :
Vous portez le même nom que cette infirmière, est ce quelqu’un de votre famille ? je demande
Elle : « Oui c’est la deuxième femme de mon mari. Pas de problème. »
« C’est un problème » je dis !
Si cela ne l’est pas pour elle, cela est pour moi, à penser. Car il s’agit d’un engagement, l’analyse, elle se déroule au long cours, et rencontrer la deuxième femme de son ex -mari dans les couloirs me semble tout à fait contre indiquer. Elle accepte parce que je le dis, mais ne « voit », pas comme elle dit, «Je ne vois pas le problème ».
Je lui demande quelques jours de réflexion. Car, pour moi, au CMP, c’est un problème et cela rend le travail psychique impossible dans ce cadre. Je découvrirai plus tard qu’effectivement c’était impossible, certes, mais encore plus que ce que je pouvais imaginer.
J’ai pris une décision. A l’époque je savais que cela était la décision qui avait du sens, mais je me sentais bien seule dans cette décision.
Je lui dis que j’entendais dans ce qu’elle m’a dit, sa recherche depuis 20 ans, de thérapeute en thérapeute, son mal être pour lequel elle voulait trouver un lieu, je lui dis que cette recherche pour elle -même, je l’entendais comme une demande d’analyse. Je lui dis qu’il fallait qu’elle, elle se respecte dans cette demande, et, que les autres, dont moi, respecte sa demande.
Faire une analyse est un engagement, et il faut penser le lieu de son déroulement dans le temps . C’est pourquoi je lui propose de l’accueillir, mais le cadre ne peut être que celui de mon cabinet et pas au CMP. Il y a un prix dont nous pouvons parler sachant que ce sera au moins deux RV par semaine.
Je lui demande de réfléchir, même si elle dit qu’elle accepte.
Je lui demande de me téléphoner à mon cabinet pour prendre un rendez-vous. Elle le fera très rapidement.
Très rapidement aussi, je découvrirai, ce que j’avais appris des psychotiques, qu’elle ne sait pas ce que parler veut dire.
Pas longtemps après les toutes premières séances à mon cabinet, la femme policée se fait hurlante. Marie Cécile hurle. Elle ne veut pas partir du cabinet, elle veut parler.
Elle ne s’en va qu’au bout de 20mn, sur le seuil nous sommes.
Je sens que si je reste calme, je ne peux plus penser. Et l’angoisse monte des deux côtés. Quand j’ai trouvé le lieu pour reconstituer ma capacité de penser, avant même que quoi ce soit ne soit élaboré, vraiment, élaboré, la qualité de ma présence fut différente.
Et l’effet ne se fit pas attendre : elle partit à la fin de sa séance, sans hurlement, c’était la fin de sa séance et elle pouvait partir, elle reviendrait. « Miracle». ?ou effet du transfert et du travail psychique des deux dans le transfert ?
Je soulignerai deux temps spécifiques à ces « singuliers » transferts :
- « offre de transfert»,comme le nomme Heitor de Macedo : c’est le psychanalyste qui en crée l’espace du possible déroulement d’une cure analytique
- « L’offre de transfert » reçu se fait accueil de langue de l’analysante. Pour Marie Cécile. Ce fut celle de l’amour oral primaire, amour, agressivité primaire. Mon angoisse la laissait dans le réel impensable et terrifiant. L’angoisse faisait que je n‘étais pas en capacité d’accueil, nous baignions dans l’affect.
Dès que je fus en capacité de penser, c’est à dire, dès que je fus en capacité d’accueillir, de me laisser toucher, mais aussi de pouvoir « prendre » la dissociation dans laquelle elle était, en demeurant en capacité de penser, c’est dire sans en être détruite, dès que je fus en capacité de penser , donc , la scène du transfert se fit lieu pour Marie- Cécile, la non différenciation intérieur et extérieur allait être mise au travail.
La cure a pu se dérouler.
Et qu’est ce qui s’analysa : elle n’existait pas.
Pourtant, elle avait ce que je nommais une « force de vie » que je trouvais extraordinaire. Je fus surprise quand j’ai rencontré ce mot « force de vie » sous la plume de Winnicott. Sa vitalité étonnante qui allait de pair avec une impossibilité, tout autant étonnante pour moi, à donner forme à cette vitalité, à réussir à créer et inscrire un espace de vie.
En fait elle pouvait survivre, vivre ne se concevait pas.
Or, « Force de vie » Winnicott emploie ce mot lorsqu’il développe comme il le fit en plusieurs écrits, la nécessité de son hypothèse :
« Une agressivité précède l’intégration du moi »
++++
B- deuxième transfert «singulier » : la sexualité génitale et son ancrage.
Pour un nombre assez conséquent de mes analysantes, il fallut un long temps de «construction» de cette limite intérieur/ extérieur pour que, s’ouvre l’espace de la possibilité de parler et analyser leur rapport au monde, leur rapport au corps, et leur manière de vivre la sexualité.
En écrivant, les cures de certaines de mes analysantes ont été très présentes, elles ont leurs différences mais ont aussi quelques points communs. Parmi ces cures, celle d’Eloa.
- Nous avons eu à penser « l’impensable ». Comme avec Marie-Cécile, ce fut dès le début violemment. Parfois, comme pour Eloa, il était là «trou silencieux» au fil de la cure dont je vais évoquer la fin de cure. Il surgit avec fracas quand sa « créativité » lui permit de rencontrer un homme. Un homme qu’elle désirait (pour la première fois de sa vie, elle éprouvait les sensations corporelles du désir), cet homme l’aimait et la désirait. Pour la première fois, elle s’engageait, pouvait reconnaître qu’elle s’engageait, reconnaître qu’elle le désirait. Pour la première fois de sa vie, désirer était possible et s’engager dans la relation physique était possible. Son travail d’élaboration avait permis une vie avec les autres, une possibilité d’avoir des collègues de travail, voire d’être en conflit. Mais pouvoir vivre la vie amoureuse, ses émois et, l’altérité dans la vie amoureuse, ce qu’elle avait «crée» devint très vite terrifiant. La possibilité d’aimer et être aimée, elle l’avait vécu, moyennant maintenir à distance le corps et ses éprouvés. Elle avait également vécu une séparation, sans disparaître, mais désirer, supporter d’être désirée, désirer et vivre avec plaisir la relation physique dans l’amour, aimer le corps de l’autre et pouvoir concevoir l’altérité, se révéla porte ouverte sur la terreur et les retrouvailles avec la violence et le vouloir casser.
Dans un premier temps, furent réactualisées l’angoisse et la menace d’effondrement.
Elle commença à détruire, attaquer l’homme. Elle était « Affolée ».
Ce n’est que, lorsqu’elle put revenir sur le lien à sa mère que l’espace de parole, l’écart qui permet la pensée se ré -ouvrit. Reconnaître que sa mère fut une femme. Reconnaître que la femme que fut sa mère, a été traversée en certaine période de sa vie par l’impossibilité d’accueillir les « attaques dévorantes aimantes » de sa fille. Elle ne sut que la penser, « la voir » rivale, c’est dire l’expulser de sa place d’enfant.
Comme l’a écrit Piera Aulagnier, dans la violence de l’interprétation, la mère que put être cette femme n’a pu faire « don à son enfant du refoulement de sa sexualité.» Elle a empiété l’espace psychique de son enfant.
C’est en analysant le lien à sa mère, en pouvant reconnaître que sa mère était une femme. Cette femme a été la mère qu’elle a pu être. Quelque chose d’un fil de transmission pouvait se crée : elle pouvait se découvrir femme elle- même sans être en danger d’ être envahie par l’affect de la femme que fut sa mère.. Mais le bien connu, pour elle, était l’empiètement dont elle se défendait et l’appel à « être vue » par sa mère, elle qui ne fut pas « portée ».
Elle put dans son analyse concevoir le lien et la séparation d’avec ses parents. L’altérité put se concevoir comme en même temps put s’approcher ces sensations différentes se « reconnaître » réelle, se voir.
Sur ce chemin, la position de l’homme rencontré fut fondamentale, il put lui faire co exister sa virilité avec en lui le féminin qui accueille.
Les points communs de ces cures de femmes aux histoires différentes et aux « inventions psychiques » différentes me paraissent:
- Un rythme : un rythme lent. Le long temps nécessaire à la construction de l’espace de la séance comme « espace d’accueil », « asile » au sens noble du terme, l’accueil est fondamental quand l’intégration n’est pas. Il est accueil de la poussée sans but, amour primaire, juste la poussée vers, juste le mouvement vers …
- La rencontre avec le clivage de défense lorsque la sexualité se pense
Pour chacune de ces analysantes, c’est la question la sexualité qui a éveillé et permit de parler sur la scène du transfert la sensation « c’est pas réel »
« Elle n’y croient pas », « elles ne voient pas ? » « elles ne se voient pas » .
Cette réactualisation se manifeste par non intégration soma-psyché les vertiges, les acouphènes, des évanouissements, des douleurs musculaires, des maux de ventre et l’attaque. L’homme aimé ne fait ou ne dit jamais ce qu’il faut, ou n’est jamais celui que, selon elles, il doit être s’il l’aime ou, « ce qu’on doit faire quand on aime ».
– L’autre point commun entre elles est que, elles ne connaissent pas le conflit dans la relation amoureuse, seul l’effondrement envahit l’espace de la relation. Le temps est celui de la réactualisation de ce que Winnicott nommait des « défaillances de l’environnement ». Elles ne connaissent pas le conflit ». Quand les sensations du corps sont engagées, elles ne connaissent que l’amour de l’époque où, c’est dans la technique de soin de la mère qu’il se disait, se transmettait. Si, dans la relation amoureuse, avec engagement physique du corps dans l’amour, l’altérité pointe, le conflit ne peut être, c’est l’effondrement, ou le retrait, s’absenter. Quand le corps et ses émois sont engagés elles ne connaissent que ce qu’elles ont toujours connu : l’effondrement. Exister est une construction possible à partir du travail psychique dans le transfert. Elles peuvent vivre, alors, ce qui pour elles, était inédit, n’avait pas été « porté » par un autre.
Les filles de Minos et Pasiphaé telle Phèdre dans la lecture qu’en fit Monique Schneider demandent à l’homme qu’il les fasse exister. Elles en appellent au « féminin » de l’homme, nous ne sommes pas dans le temps de la génitalité, sans, pour autant, que la dimension tierce soit absente. Elle peut se concevoir, mais elle ne peut être « utilisée » dira Winnicott.
« Nous nous proposons d’examiner la pré histoire de l’élément agressif (destructeur par hasard) dans l’expérience instinctuelle la plus primitive. Nous avons à notre disposition certains éléments qui datent d’aussi loin que le début des mouvements du fœtus, à savoir la motricité. Il n’y a pas de doute qu’il faut y ajouter éventuellement un élément sensoriel correspondant. » écrivait Winnicott
Winnicott l’affirme fortement en plusieurs de ses écrits : le psychanalyste chercheur n’élabore qu’à partir des transferts dans lesquels il s’est engagé.
Il me semble que, l’élaborations les concepts de « destructivité » créativité» « intégration », introduit à une conception singulière de ce concept opérateur dans le champ de la psychanalyse : le transfert. D’autres analystes, d’autres mots , furent également, pour moi, des aides pour l’analyse de ces transferts :
« la théorie , c’est l’analysant » C’est un mot de Jean Florence lorsqu’il était venu présenter le déroulement d’un « transfert singulier » .
C’est l’analysant, dit- il, c’est la clinique, disons nous souvent, qui ouvre aux questions à mettre au travail, en un mot, peut-être, pouvons-nous dire que c’est l’analyse du transfert qui met le psychanalyste en position de chercheur ?
« offre de transfert », est le mot de Heitor de Macedo. Il m’accompagna à penser la cure et le singuliers transfert de Marie Cécile.
« Co-recherche » est celui de Françoise Davoine et Jean Max Gaudillière, leur mot pour nommer le transfert dans les cures de psychotiques, tout à fait précieux dans la clinique de la psychose
Pierre Delaunay, affirme : « au psychanalyste l’impensable, au poète l’impensé ».
Ces travaux mis au travail, m’ont accompagnée dans l’élaboration des transferts singuliers. Chacun contient l’idée de l’accueil par le psychanalyste dans son espace psychique.
J’y ai retrouvé, dans ces conceptualisations différentes présente l’hypothèse de Winnicott :
« Je sais qu’actuellement j’ai besoin de faire l’hypothèse qu’il y a une pulsion primaire agressive et destructrice qui ne peut être distinguée de l’amour pulsionnel propre aux stades très précoces du développement de l’enfant. »
Par ailleurs , je lirai cette hypothèse comme une mise au travail de l’intuition freudienne, celle que nous trouvons dès le début de la recherche de Freud , dans « esquisse d’une psychologie scientifique » . Je la cite :
« L’organisme humain à ces stades précoces est incapable de provoquer une action spécifique qui ne peut être réalisée qu’avec l’aide extérieure et au moment où l’attention d’une personne bien au courant se porte sur l’état de l’enfant. Ce dernier l’alertée, d’un fait d’une décharge se produisant sur la voie des changements internes (par les cris par exemple). La voie de décharge acquiert ainsi une fonction secondaire d’une extrème importance : celle de la compréhension mutuelle. L’impuissance originelle de l’être humain devient la source première de tous les motifs moraux. »
La conception du transfert est indissociable de la conception métapsychologique de l’analyste.
EN CONCLUSION :
Je souhaiterai ouvrir sur la question soulevée Winnicott : le lien agressivité primaire , amour primaire et motricité.
« : dans la préhistoire de l’élément destructeur, dans l’expérience instinctuelle la plus primitive… « les mouvements du fœtus, à savoir la motricité … »écrit Winnicott.
C’est un lien fondamental dans la clinique de la psychose, je pense qu’il donne aux psychanalystes un espace conceptuel pour penser, dans le transfert, l’accueil de la « non intégration », penser l’articulation ou, en reprenant les mots de Winnicott, penser la fusion primaire « individu- environnement ».
Cette agressivité ,dans son texte apparaît comme, une poussée sans objet vers ..sans objet qui, accueillie dans son univers psychique. La poussée ( « ça fuse » dit W. ) alors prend forme et crée des formes… création du monde dit il ..
Dans le transfert nous découvrons l’importance de cet accueil quand l’ agressivité primaire n’a pu être accueillie dans l’espace psychique de l’autre, quand la poussée vers a été recouverte par l’affect de l’autre.
Quand une mère ne pouvait s’identifier aux besoins psychiques de l’infans, son affect alors recouvre l’espace. Le self se met en retrait..
Mais c’est une autre recherche.
Je terminerai en citant de Winnicott ( dans « la nature humaine ») :
‘Il n’est pas nécessaire de postuler à l’origine un état de chaos. Le chaos est un concept qui transporte l’idée de l’ordre. Et, l’obscurité n’est pas non plus à l’origine, puisqu’elle sous- tend la lumière.
Au début, avant que chaque individu crée à nouveau le monde, il y a un état naturel d’existence, et l’aube d’une conscience d’être et la continuité d’existence dans le temps. »
Je me dis parfois que Winnicott a créé l’espace pour penser analytiquement les processus psychiques en jeu dans la mise en forme du « corps vivant ».
Nicole Auffret
Septembre 2016